Melania, le baiser manqué
On ne voyait que ça, un chapeau à large bord, et on se disait qu’elle l’avait porté pour se distinguer, et ça fonctionnait. Mais quand son mari de président s’est approché, le chapeau de Melania a pris une autre dimension. Le couvre-chef faisait garde-frontière.
On aurait dit que Melania l’avait choisi à dessein pour tenir à distance le président. Il aurait suffi qu’elle levât à peine la tête pour faciliter l’approche, mais elle ne l’a pas fait. La barrière ne s’est pas levée. Elle est restée figée comme la statue de la Liberté. On a même cru entrevoir dans son regard brillant la joie mauvaise de qui avait préparé un bon coup, et l’avait réussi.
Satisfait de voir le président enfin défait, revanchard, on a vu et revu la séquence en guise de consolation. Vite oubliés les propos délétères du président investi à l’endroit de son prédécesseur et de la vice-présidente, assis piteusement. On se demandait comment ils pouvaient rester là, impassibles, vaincus, misérables. Melania leur a montré la voie.
Nous allons payer cher le baiser manqué. Le président n’a pas réussi à embrasser sa femme, il va embrasser le monde, conquérir des pays, le Groenland, le Canada, le Panama, faire plier ceux qui lui résistent, leur faire porter le chapeau de sa défaite liminaire.
Alors, a-t-elle voulu briller ou humilier ? On ne peut pas savoir ce qu’il y a dans la tête de Melania bien sûr, le chapeau couvre des secrets, mais il est tentant d’y voir tant de choses dont nous rêvons, le désamour, mieux le début d’une résistance.