“Oui, mais …”, l’hésitation coupable

Le « mais… » s’est insinué si vite. Partout. Il a couru les réseaux sociaux, les tribunes, les lettres ouvertes, les plateaux de télévision et de radio, et même les appels les plus nobles. Il sidère.

Les mots ont un poids. Et ce n’est pas parce que le « mais » est tout petit, pose une réserve à peine esquissée, suspend la parole sur un non-dit, qu’il est négligeable. Ce « mais » là est lourd d’ambiguïté. Il indispose, il met mal à l’aise, il révulse. Il sonne comme une hésitation coupable.

Les mots signifient. Devant l’horreur absolue, a-t-on le droit d’hésiter ? Les Israéliens ont vécu un mixte du 11 septembre et du Bataclan. Qu’est-ce qui fait que tant de gens éprouvent le besoin pressant de cerner immédiatement le contexte, quitte à le brandir comme une probable explication, voire une justification ? Il est un temps pour la compassion, il en est un autre pour la compréhension. Et il n’est pas permis de faire l’impasse sur la première étape. Le 7 octobre n’est pas juste un épisode de plus dans le conflit qui oppose Israël et les Palestiniens. C’est un attentat terroriste.

Le contexte est connu, peu remis en cause. Les Palestiniens survivent dans la bande de Gaza dans une prison à ciel ouvert, sans perspective d’avenir. La possibilité de pouvoir vivre dans un État indépendant reste hypothétique. Israël a tout fait pour en empêcher la création. Les Palestiniens sont pris en otage à Gaza par le Hamas. Des sondages récents, faits avant l’attentat, ont montrés qu’une majorité de Gazaouis ne soutenait pas le mouvement et qu’ils critiquaient la corruption de ses dirigeants. Le projet islamiste n’est pas l’idéal palestinien. Je veux le croire.

La tuerie a tout cassé, et c’était bien l’objectif des terroristes. Les discussions avec l’Arabie Saoudite sont interrompues, Israël se retrouve à nouveau au milieu des tensions et face à tous les dangers, la rue arabe manifeste, trouve là de nouvelles raisons de conspuer Israël, de contester son existence, d’injurier les Juifs. Les manifestations de soutien au peuple palestinien deviennent autant de places où l’on profère des slogans antisémites. Les appels à la solidarité n’évoquent que les victimes palestiniennes, jamais les victimes juives, comme si la cause palestinienne n’autorisait pas la nuance, l’équilibre, l’indépendance d’esprit.

Une vague d’antisémitisme se répand à nouveau dans le monde. Là-bas comme ici. Dans le Daghestan russe, une foule a envahi un aéroport et cherchait un avion avec des Juifs à bord, prête à les prendre à partie, à les tuer. Dans la furie d’un nouveau pogrom. Le mot, faut-il le rappeler, est d’origine russe.

Je suis étonné de voir comment peu de responsables palestiniens dit modérés peinent à qualifier l’horreur, à condamner le Hamas pour ce qu’il est : un mouvement terroriste. Les mots ne sortent pas de leur bouche, ils évitent le sujet, ou alors, ils s’évertuent à considérer le Hamas comme faisant partie de la communauté palestinienne. Tant que ce sera le cas, tant que les Palestiniens ne prendront pas leur distance avec le mouvement extrémiste qui plaide la destruction des Juifs, il sera difficile, voire impossible, d’imaginer réinstaurer le dialogue.

La population de Gaza paie, elle aussi, un lourd tribut. Le Hamas n’en a cure. Cela fait plusieurs décennies qu’il dédie les fonds qu’il reçoit à creuser des tunnels et à préparer les attaques, pendant qu’Israël devenait un pays prospère, l’une des économies les plus performantes de l’OCDE. Il n’empêche, les bombardements incessants de la bande de Gaza causent d’innombrables victimes civiles innocentes. De victime, Israël redevient bourreau aux yeux du monde. Le piège se referme sur lui. C’était l’objectif des terroristes.

On a peu relevé les propos de Joe Biden lors de son voyage à Tel Aviv. Il a conseillé à Netanyahou de ne pas faire les mêmes erreurs que les Etats-Unis après le 11 septembre, qui les avaient vu intervenir en Afghanistan et en Irak. Le conseil est peu audible pour l’instant. Peut-on demander un cessez-le-feu quand on est en guerre avec le terrorisme ?

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