Vous avez aimé Yalta? Vous n’aimerez pas Yalta 2

Trump et Zelensky sont côte à côte, ou presque. Le président français s’intercale, mêle-tout de talent. Notre-Dame, ressuscitée, a induit des effets inattendus samedi à Paris. Sûr, Victor Hugo aurait écrit une suite.

Tout résoudre en 24 heures. Impossible à priori, mais Trump ne déclenchera le compte à rebours que le 20 janvier, au moment de son investiture. En attendant, Paris est une étape où il a pu confier en direct au président ukrainien ses intentions. Il n’y a pas encore de plan annoncé, pas de verdict, pas de condamnation, pas d’espérance, mais ce n’est pas non plus la capitulation de l’Ukraine que le président élu souhaite, il y va du prestige, et de la crédibilité aussi, de l’Amérique Great Again. Poutine est donc averti. Il l’avait pressenti, en félicitant Trump tardivement et mezza voce. Zelensky a pris de vitesse le Russe, mais on sait le leader ukrainien courir le monde vite et beaucoup.

Histoire. Yalta avait redessiné la carte et les territoires. Un partage dont nous jouissions paisiblement sans trop nous préoccuper du sort de nos voisins de l’Est, sauf à s’émouvoir quand les chars soviétiques déboulaient ici ou là. C’était ainsi, et nous n’étions pas les maîtres de leur destin. Les puissances avaient parlé. Notre liberté était sauve, nos voisins sacrifiés.

Il faut rappeler toujours, rappeler l’Histoire, et ses conséquences terribles, alors qu’on évoque le sort de l’Ukraine, et qu’un président américain et un dictateur russe sont appelés à trancher. Staline n’avait respecté aucune promesse et s’était réjoui de la naïveté de ses hôtes, Churchill et Roosevelt. Poutine ne se montrera pas moins sournois. La paix, nécessaire, a aussi un prix à considérer. La réclamer est vertueux, elle n’en est pas moins lourde de conséquences pour les territoires abandonnés à la Russie.

L’Est est bien décidé à prendre son destin en mains, et à compter à nouveau.

L’Europe était absente, elle le sera encore au moment de la négociation. À elle de jouer un rôle ensuite. D’intégrer l’Ukraine dans l’Union, d’en garantir la sécurité, de la reconstruire. Au moment même où l’Europe vit un basculement de ses équilibres internes. Signe de ce glissement des plaques tectoniques, la présidence de l’Union européenne que la Pologne va prendre dès le 1er janvier 2025. Le tournus qui la porte opportunément à la présidence, après l’épisode hongrois contrasté, intervient alors que le couple franco-allemand est en panne. On se lamente volontiers sur le fait que la France et l’Allemagne ne soient pas en mesure d’assurer actuellement le leadership de l’Europe, on ne se réjouit pas assez de voir les pays encore dits de l’Est prendre du poids, lancer des initiatives, imposer leur influence. L’Est est bien décidé à prendre son destin en mains, et à compter à nouveau.

Donald Tusk en est le symbole. Cet ancien président du Conseil européen est à la tête d’un pays qui est sorti de l’expérience populiste alors que d’autres la vivent encore et que d’autres s’y préparent. Le pays a quitté les rangs des élèves punis. Il joue le jeu. Il soigne une constitution abîmée. Le 1er janvier 2025, il préside l’Union. La Pologne se veut une future puissance militaire, investissant massivement dans sa défense. Bientôt, elle sera l’armée la plus puissante d’Europe. Son économie est florissante. Elle a la capacité de fédérer autour d’elle les pays baltes, et d’autres. Cette Europe trop lointaine encore qui joue les Cassandre, alarme, s’arme et fait entendre raison, inquiète.

C’est que l’Est est compliqué. La Chute du Mur nous a installés dans un état euphorique, promettant des lendemains qui chantent, la fin des idéologies, le triomphe de la démocratie. En quelques jours, ce monde idyllique s’est évaporé. Les incursions de l’armée de Poutine en Géorgie et en Moldavie ont été jugées des escarmouches peu dangereuses, limitées, chirurgicales, acceptables. Ces quelques territoires lointains, modestes, devaient satisfaire, voulions nous croire, le dictateur affamé. L’invasion de la Crimée crispait un peu, mais là encore, nous lui trouvions des excuses, propriétaire frustré, historique. Et dans le Donbass, ne parlait-on pas russe, et ne l’avait-il pas tout simplement sauvé des tracasseries de Kiev ? Il a fallu que les tanks arrivent jusque dans la banlieue de Kiev pour que nous soyons pris de doutes, enfin, sur les intentions réelles du dictateur, peu suspect de cachotteries puisqu’il annonce toujours ses intentions. La Realpolitik connaît des moments d’absence..

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L’âge d’or, vraiment ?